23 mars 789 : Charlemagne fait publier l’Admonitio generalis !

Ce 23 mars 789, Charlemagne fait publier à Aix-la-Chapelle une Admonitio generalis, un avertissement général en quelque sorte. Il s’agit pour le roi des Francs, -il n’est pas encore sacré empereur-, de légiférer en matière religieuse sous la forme d’un capitulaire (acte législatif découpé en chapitres, d’où son nom). Nous sommes en pleine Dilatatio regni (extension du royaume). Comment, alors que le roi est sacré, -en tant que roi chrétien, il est redevable du salut de son peuple face à Dieu-, pourrait-il ne pas s’intéresser à l’organisation religieuse et administrative de son royaume ? Bref, le roi entend mettre en ordre les territoires que contrôlent les Francs. Pour ce faire, il entend s’appuyer sur l’Église chrétienne. C’est, pour tout dire, le seul ciment capable de souder les populations du royaume. Par ailleurs, l’Église ne fournit-elle pas aussi au roi l’écrasante majorité de ses cadres politiques et administratifs ? Autant de raison pour vouloir faire des clercs des serviteurs fidèles et dociles aptes à mettre en œuvre les décisions royales. Autant de raison aussi pour intervenir dans les affaires de l’Église. Charlemagne préside donc des conciles, nomme des prélats et promulgue une législation à laquelle le clergé se soumet tant que celle-ci sert les progrès du christianisme.

 

Qu’apporte l’Admonitio generalis de 789 ? A dire vrai, une grande partie des 81 chapitres reprend les canons de conciles antérieurs. Pour autant, il fait aussi œuvre originale. Le préambule est l’occasion de présenter Charlemagne comme le représentant de Dieu sur Terre. En vertu du sacre, il lui incombe de guider le peuple de Dieu sur les chemins étroits qui mènent au salut éternel. Du coup, on sollicite l’exemple biblique du roi David qui fut roi d’Israël aux environs de l’an mil avant Jésus-Christ. Quant aux Francs ne sont-ils pas le nouveau peuple élu ? Charlemagne, personnage sacré, se doit encore de défendre L’Église et conserver la foi chrétienne en son royaume. Ici-bas, le roi est garant de la paix, la concorde et la justice qui sied à toute cité terrestre dont on attend qu’elle soir à l’image du royaume des Cieux. Il incombe également à Charlemagne de faire enseigner une foi orthodoxe et d’éloigner les fidèles de l’hérésie. Les ateliers d’écriture des monastères se chargeront de recopier les saintes Écritures, les canons conciliaires, les décrétales pontificales et la littérature issue des Pères de L’Église.

 

Les clercs se voient soumis à une législation qui précise leur état (distinction clercs/laïcs), leur hiérarchie et nombre d’obligations dont le non-respect entraîne l’excommunication. De manière plus générale, l’Admonitio generalis définit aussi les grandes lignes de la vie religieuse des laïcs que l’on veut avant tout écarter des pratiques et croyances païennes. Tout chrétien se doit de respecter le repos dominical et la Maison du Seigneur. Dans l’église, il ne faut pas se laisser aller à bavarder ou à conclure des affaires commerciales. Il ne faut pas davantage y faire entrer d’animaux domestiques tels que les chiens ! Magie, divination et sorcellerie sont prohibées. L’Admonitio generalis vise clairement à relever le niveau spirituel des clercs et des laïcs. Il s’agit donc de définir et faire accepter les contours d’une morale chrétienne à tous. Les comportements des uns et des autres ne doivent pas perturber la bonne marche de la société. Chacun doit occuper la place que Dieu lui assigne. Les péchés sont énoncés et des recueils de pénitence sont rédigés à l’intention des fautifs. Du coup, on entrevoit tout un monde de transgression des valeurs chrétiennes. On entrevoit aussi tous les domaines concernés par la morale religieuse : le mariage, le sexe, le non-respect des serments, l’argent, etc…

 

Au final, on peut dire que l’Admonitio generalis a fait passer une grande partie du droit canonique dans le droit public. De ce fait, la législation renforce aussi l’interpénétration entre le spirituel et le temporel, un aspect essentiel de l’époque médiévale bien difficile à comprendre pour notre France contemporaine, attachée à la séparation de l’Église et de L’État. Enfin, et ce n’est pas l’aspect le plus négligeable de ce texte, l’Admonitio generalis donne un coup de fouet à la vie intellectuelle, à l’enseignement, et favorise le mouvement que les historiens qualifient de Renaissance carolingienne.

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